L’avis (plus que nuancé …) du Haut Conseil de la Santé publique / HCSP sur la cigarette électronique continue de faire beaucoup de bruit...
Après la
prise de position de tabacologes et addictologues encourageant le vapotage, trois membres du Haut Conseil de la Santé Publique affirment dans sur Le Monde.fr que « s’il est plausible que le vapotage puisse être chez certains une aide à l’arrêt de la consommation de cigarettes, il n’existe pas de preuve suffisante qu’il apporte un bénéfice en comparaison aux autres traitements validés, médicamenteux ou non ».
Malheureusement, le phénomène sur les « puffs » ne contribue pas à aller dans le bon sens, vous le verrez dans leurs arguments ci-dessous.
Tous trois membres du groupe de travail sur cet avis très relatif aux bénéfices-risques de la
cigarette électronique du HCSP : Ivan Berlin (maître de conférences des universités, praticien hospitalier, hôpital Pitié-Salpêtrière,Paris) ; Anne-Laurence Le Faou (maître de conférences des universités, praticien hospitalier, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris) et François Alla (professeur de santé publique à l’université de Bordeaux et praticien hospitalier au CHU de Bordeaux ).
Voici ce qu'ils nous disent :
Les décisions de santé individuelles comme collectives doivent répondre à une exigence éthique. Cette exigence passe en particulier par une démarche fondée sur les preuves, selon les règles bien établies et utilisées internationalement afin de délivrer des soins dont l’efficacité est démontrée, dont le niveau de risque est connu et dont les bénéfices dépassent les risques. C’est ce rapport bénéfices-risques qui est au cœur des décisions, dans tous les pays et pour toutes les institutions indépendantes relevant de la santé.
L’avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) sur l’usage de la cigarette électronique suit ces règles.
Des produits de consommation courante
La majorité des connaissances sur les « produits du vapotage » (constitués d’une batterie, d’un réservoir rempli par un
eliquide, chauffé par une résistance et produisant un aérosol), dénomination utilisée par la loi de 2016 de modernisation de notre système de santé, rappelle que ceux-ci ne sont pas des produits de santé, mais des produits de consommation courante.
En France, plus de la moitié des vapoteurs fument aussi du tabac. La réduction de la consommation du tabac (par exemple passer de quinze à cinq cigarettes par jour) ne réduit pas le risque des maladies ou de décès liés au tabac.
Certains vapoteurs utilisent cet argument pour recourir aux produits du vapotage afin de diminuer le risque incontestable associé à l’usage du tabac. Il est donc important que le message d’un soutien à l’arrêt complet de la consommation de tabac soit bien entendu par les professionnels de santé, par le secteur social et par les fumeurs.
Or, les données de sources actuellement disponibles, n’ont pas le niveau de preuve suffisant concernant le bénéfice apporté par les produits du vapotage comme aide à l’arrêt de la consommation de tabac en comparaison aux autres traitements validés, médicamenteux ou non. En outre, ces données ne permettent pas non plus d’évaluer le risque potentiellement associé à leur utilisation.
Un risque de devenir fumeur
En conséquence, en raison du niveau de preuve insuffisant comparé au niveau de preuve exigé pour les produits de santé, le groupe de travail du HCSP ne pouvait pas recommander aux professionnels de santé la « prescription » des produits du vapotage dans cette indication. Ces recommandations sont en phase avec celles des autorités de santé de plusieurs pays et des instances de santé internationales (…)
Le groupe de travail du HCSP était bien conscient de l’utilisation large de ces produits de consommation, reconnaissait qu’il est plausible que ces produits puissent être chez certains une aide à l’arrêt de la consommation des cigarettes et laissait ainsi la voie libre à leur utilisation par les fumeurs comme produits de consommation s’ils les choisissent, dûment informés, à la place des traitements validés ou en complément de ceux-ci.
Les produits du vapotage sont accessibles à tous, y compris aux jeunes non-fumeurs. Les données actuelles semblent montrer que l’usage des produits du vapotage par les non-fumeurs et les non-fumeuses peut induire un risque de devenir fumeur. Selon les données françaises les plus récentes, l’usage des produits du vapotage a augmenté chez les collégiens et collégiennes de 3ème non fumeurs.
Si l’on ne veut pas augmenter le nombre futur de fumeurs, ces produits doivent être déconseillés aux non-fumeurs, en particulier jeunes. De plus, les produits du vapotage se prêtent facilement au mésusage : Le réservoir peut être rempli par des liquides contenant de la nicotine, fortement addictive, mais aussi par des substances comme la cocaïne, les opiacés ou le cannabis.
L’urgence des preuves
Le groupe de travail du HCSP a attiré l’attention des instances de santé sur la nécessité de mettre en place un système de surveillance en vue de recueillir les signes et symptômes potentiellement liés à l’utilisation des produits du vapotage que les
vapoteurs ou les professionnels de santé pourraient déclarer. Ce système de surveillance permettrait d’apprécier si leur utilisation est associée à un risque, de quel type de risque il s’agit et de quelle intensité pourrait être ce risque.
Pour la population, toute intervention qui abolit la consommation de tabac est bienvenue. Toutefois, il faut comparer le niveau de risque pour la santé en utilisant les produits du vapotage au risque nettement réduit suivant l’arrêt de la consommation du tabac et au risque associé à la poursuite de la consommation tabagique.
On peut penser que l’utilisation exclusive des produits du vapotage est associée à une réduction de risque pour la santé, comparée à la consommation de tabac, mais que ces produits peuvent aussi induire un risque par rapport à l’absence de tabac et à l’absence de produits du vapotage. Toute la question est : Peut-on quantifier les risques dans ces trois situations ?
Le débat sur les produits du vapotage n’est pertinent que s’il est fondé sur des connaissances approfondies et indemnes de conflits d’intérêts. Le groupe de travail du HCSP a souligné l’urgence d’acquisition de connaissances fondées sur les preuves pour permettre, avec responsabilité, de se prononcer sur l’usage des produits du vapotage, aussi bien au quotidien qu’au sein du système de santé ».