Agathe 38 ans Nîmes (30)
Nîmes le 30 septembre 2021 8h30 :
Je suis dans l’arrière cuisine, ça caille et j’ai une prise de conscience flash.
Je me dis : « Tu fous ton pognon pour ça alors que t’as largement de quoi t’arrêter... Vas-y saute le pas, ça a déjà fonctionné, alors n’hésite pas y a pas de raison que ça ne refonctionne pas !
Je fume ma dernière Drum roulée avec mon café et je me lance !
Mais comment en suis-je arrivée là ?
Pendant le week-end de Pâques de mes 15 ans en 1998, grand repas de famille à la campagne chez mes grands-parents dans le Sud-ouest, à l’heure de la somnolence post digestifs des adultes on pique deux clopes avec mon cousin et on s’éclipse prestement pour aller les fumer.
Nous voilà dehors, la nuit tombante, avec nos deux Winfiels prêts à essayer cet attirant produit maintes fois observé tant dans la réalité nous entourant que dans la fiction télévisuelle et cinématographique.
On les allume et c’est le festival des mauvaises sensations !
Malgré un crapautage majoritaire, on tousse, on crache, nos jambes flageolent et la nausée nous assaille tant et si bien que nous abdiquons à la moitié de la tige enflammée.
C’est un beau raté qui me fait dire que plus jamais je ne refumerai. C’est vraiment trop dégueulasse !
Passe l’été sans plus y penser et me voilà à la rentrée du lycée où bien plus de fumeurs vont m’entourer avec un espace en plus dédié.
Lors d’une mauvaise journée de contrôles enchainés, me voilà chafouine et grandement contrariée, à la pause ne voilà-t-il pas que je me relaisse tenter.
Grand mal me prend car même si la nouvelle expérience n’est pas complètement satisfaisante, jambes chancelantes et petite nausée, je vais entièrement consommer cette Marlboro offerte et démarrer le tabagisme pour de nombreuses années.
N’osant pas franchir le pas alors que je faisais plus âgée et que j’achetais régulièrement des clopes pour ma mère, je demande à un pote dont les parents étaient buralistes, de m’acheter mon premier paquet avec mon argent de poche.
Il durera une quinzaine en fumant exclusivement le matin sur le chemin de l’école et entre midi et deux pour ne pas me faire attraper par l’odeur laissée.
J’arrive encore à ne pas fumer le week-end, l’accoutumance ne s’est pas encore invitée mais elle va vite arriver cette connasse.
Pendant six mois je garderai ce rythme et ce fournisseur.
Au printemps, arrive le stress de l’orientation à venir vendue comme plus que déterminante alors que je ne sais vers quoi où je veux aller, ma consommation elle ne va que s’augmenter vers le quart de paquet.
Une le matin, une à 10h, deux entre midi et deux et une à 15h, le paquet dure moins longtemps et l’argent de poche commence à fondre comme la neige au soleil.
Je me dis merde, dans quoi j’ai fourré le doigt ? Les week-ends deviennent plus durs à passer sans la nicotine absorbée.
A la fin de la seconde, par une mutation professionnelle de mon père, me voilà catapultée de la région parisienne toujours connue à Marseille au milieu de nouveaux individus.
Je passe d’un assez petit lycée à un beaucoup, plus grand et bien moins surveillé avec des substances illicites auxquelles je vais pouvoir me confronter. Les amis et les premiers émois quittés, pas vraiment jouasse je vais me laisser tenter.
Heureusement l’expérience tournera court car après une très courte euphorie je pique du nez. Trois ou quatre pétards seront seulement partagés, les ressentis me font vite arrêter.
Par contre la clope va se multiplier, à une dizaine je vais passer profitant notamment des correspondances de transport pour augmenter.
Le week-end aussi je m’y mets, profitant de la sortie des poubelles et des sorties entre potes sans les parents pour encadrer maintenant que je me suis acclimatée.
Je garde cette consommation aussi en terminale mais avec une économie en me les procurant au marché noir histoire de faire durer l’argent donné et ne pas attirer les soupçons de mes darons.
Cela ne va pas empêcher ma mère de me gauler en fin de première par un paquet oublié dans une de mes chemises parties pour être lavée…
Point de drame ni de scandale, fumeuse elle-même, elle me demande juste de ne pas fumer à la maison. Mon père ne m’en parlera jamais alors que forcément elle le lui a communiqué.
En terminale, le sale crabe attrape mon père à l’estomac, et bien qu’a priori sans rapport à sa consommation de cigares et alors qu’il ne faisait aucun excès, sous le choc, je décide d’un coup d’arrêter de fumer sans aucune aide.
Cela dure deux ou trois mois bien tendus pendant lesquels il ne faut pas trop me chercher…
A sa première hospitalisation, je me rachète un paquet qui va vite être enchainé.
Je vais obtenir mon bac sciences et techniques de laboratoire dans ce contexte turbulent et sans dépasser bon grès, mal grès le demi paquet.
L’été sera terrible avec la disparition de mon père et les refus à toutes mes demandes de BTS.
J’atterris en fac de biologie, où après deux mois de cette année d’écrémage je passe plus de temps à la cafét qu’en amphi, mais veillant à être présente aux TD pour maintenir ma bourse.
Je vais traverser cette année mollement en passant aux roulées, le paquet de Drum me faisant quatre jours, les fabriquant bien tassées.
Heureusement, après il y a rebond avec mon admission, en BTS biochimie génie biologique. Le travail plus cadré me convenant, je m’accroche et arrive à étirer le paquet sur cinq jours.
Je passe allègrement les deux années mais je rate d’un cheveu l’obtention du diplôme visé.
Je ne suis qu’à moitié surprise car la responsable de l’examen n’est pas des plus tendres avec moi depuis un certain temps.
Mais pas le temps de m’apitoyer, ma maman décidant de se rapprocher de sa famille en Lorraine, à 22 ans me voilà à nouveau déracinée.
N’ayant pas de voie professionnelle s’ouvrant à moi à Marseille, je décide de suivre celle de la famille.
Pas de nouvelle inscription possible en BTS, cela aurait été à Lyon que j'aurais dû m’exiler sans les moyens financiers que cela aurait nécessité.
Je vais donc enchaîner petits boulots et périodes de chômage, la grisaille s’installe et pas que dans le ciel étoilé.
Pendant un an et demi, j’écume les supermarchés du secteur dans les rayons pour le réassort. Période morose d’instabilité ne favorisant pas la construction d’amitiés et où le paquet par jour se fait inviter.
Ne voulant pas me laisser abattre, je me lance gaillardement dans une formation diplômante hygiène, sécurité et environnement. A moi les normes ISO ingurgitées et la vie sociale retrouvée.
Cette fois le diplôme est obtenu au bout de l’année mais grande désillusion quant à l’embauche, je vais me confronter.
En effet, les entreprises réclament celui au-dessus pour les rejoindre en finalité. Me voilà bien déconfite malgré mes nombreuses démarches tant en Lorraine qu’en région parisienne.
D’autant que je fais aussi des démarches en parallèle pour m’inscrire dans le diplôme supérieur réclamé et que je ne reçois que des refus car c’est en alternance qu’il faut y accéder, mon « grand » âge n’intéressant pas les sociétés pouvant y participer.
Ces turpitudes vont durer un an, ma consommation, elle, perdure quand mon moral, lui, va rudement chuter.
Pour enrayer cette douloureuse spirale, je décide de me présenter à des concours de la fonction publique.
Deux années passées, je décroche à 27 ans celui d’agent administratif dans l’Education Nationale.
Je débarque à Pont-à-Mousson pour démarrer dans son lycée professionnel de trois cent élèves en secrétariat de direction et secrétariat d’élèves.
C’est une expérience formidable de trois ans remplie de belles relations avec la direction, les enseignants et les apprenants.
Vers 2011, j’entends parler de la CE sur internet au gré du surf pratiqué. Je m’y intéresse plus profondément avec l’envie de me laisser tenter.
Quelques mois après, c’est l’époque des
clearomiseurs à mèches et des batteries Ego, je passe commande de mon premier setup par l’économie pressentie sur la thune brûlée, la santé n’ayant jamais dans mon cas été impactée.
Me voilà équipée de ma Ego 650 mAh et de son KangerTech pour vaper du Halo menthe glaciale en 12 mg.
Waouh, c’est bien serré et bien glacial mais ça remplit bien son office de substitut à la tueuse. Il me faudra sept mois pour l’éliminer en suivant l’adage, plus je vape moins je fume.
Nous sommes en 2014, je vape à tire larigot, et je partage cette merveilleuse expérience avec mes amis comme au boulot. C’est une douce période riche en petits comme en grands bonheurs et plaisirs dont certains plus matériel à nouveau possible.
Ahhh ! il a des sous sur le compte. Ahhh ! on peut sortir un peu plus. Ahhh ! on peut faire un peu plus de choses…
Puis à trente-deux balais, j’ai enfin mes pénates à moi que je peux meubler aussi avec de beaux nuages de vapeur. Je m’éclate dans la vape avec de nouveaux setups, des
eliquides et même des reconstructibles. Même le méca n’aura plus de secret pour moi.
Suivant ce vent de liberté, je décide de réaliser mon vieux rêve de passer le permis moto dans la foulée.
Je suis mes leçons, ivre de bonheur, seulement gênée parfois par les volutes de fumée de mes condisciples. Bon sang, même en plein air, ça pue à des kilomètres à la ronde cette merde !
Je suis enthousiasmée par cette aventure mais comme un sournois grain de sable s’infiltrant insidieusement, juste avant l’épreuve du plateau, je me manque lors d’un évitement à 60 à l’heure et c’est la chute.
Les pompiers m’évacuent et le diagnostic tombe comme un couperet : Humérus droit cassé en cinq ou six et sa tête délogée…
Mes rêves de chevauchées fantastiques s’envolent et je sais que je vais souffrir longtemps, mon moral se met en berne, je vais me racheter un paquet de malboches qui en deux jours seront torchées.
Tout mon beau matos se retrouve au placard, fini la
vape libre et retour aux tiges enchainées. Adieu à la vapoteuse heureuse et aguerrie.
Je passe une année chaotique professionnellement, la douleur et les arrêts de travail la peuplant, le paquet par jour fumé maintenant.
Et comme un malheur n’arrive jamais seul, le lycée tant apprécié où je travaillais a dû fermer. Me voilà projetée dans un autre lycée cinq fois plus grand, à l’effectif inversement proportionné à l’empathie que j'aurais souhaité.
Mes problèmes de santé me sont vertement reprochés et malgré tous mes efforts, ma bonne volonté, de bonnes grâces je ne pourrai trouver. A force de vaine lutte dans une ambiance délétère, je finis par rendre les armes et doit me faire mettre en arrêt de travail longue durée en cette année 2017.
Je m’engouffre dans un sombre tunnel qui, mes émoluments s’étant réduits profondément, m’amènent à me retrouver chez ma mère à Nîmes où elle s’était déplacée deux ans auparavant.
Ma vie s’éclaire à nouveau l’été 2019, une rencontre amoureuse venant me re-booster. Rapidement je baisse à un demi-paquet.
Pendant un an, les ailes de l’amour me portent au rythme des allers et retours à Bordeaux de ma belle, et l’été suivant nous commençons à parler de nous installer. Je m'investis par ailleurs sans compter dans des causes associatives.
Dopée par ces vivifiants projets, je me décide à nouveau d’arrêter de fumer.
Pour me donner plus de chance, je m’en vais dans une
boutique de vape, visiter dans le bordelais. La conseillère vendeuse me pose le questionnaire réglementaire et s'ébahit de mon expérience passée.
Je tempère vite son enthousiasme devant l’infinie possibilité de vente en lui disant que cette fois, la simplicité sera ma vérité. Je repars donc avec un petit pod facile, qui peut aller tout de même à 60 watts, et son réservoir de 5 ml. Je prends avec un bon eliquide arôme tabac en 16 mg histoire d’assurer.
Je me mets à vaper au long court sans discontinuer, pas de manque à signaler, et pour seuls désagréments, quelques ponctuelles transpirations et palpitations de par la nicotine un peu sur consommée.
Je passe de plus en plus de temps chez ma belle. Un jour, un orage éclate dans ma pourtant stable relation, durant laquelle mon aimée me demande de revêtir le rôle de juge de paix pour réguler le tiers impliqué.
Je brandis alors le drapeau suisse entraînant un terrible courroux de ma douce. Je propose en suivant une trêve en sonnant la retraite chez ma mère revenant en cette fin août 2020.
Nous nous reverrons en fin d’année pour acter la fin de notre histoire d’amour et commencer une histoire d’amitié.
Je récupère mes affaires chez elle, et de retour chez ma mère tout de même dépitée, je fais la bêtise de fumer une cigarette qu’elle m’a proposée, voulant certainement me consoler après mon appel précédent mon arrivée.
Je vais maintenant vapo/fumer pendant plusieurs mois. Je découvre aussi le plaisir économique du
eliquide DIY.
Au printemps de cette année je vais me mettre à fumer plus qu’à vaper suite à une nouvelle déconvenue affective, ma sensibilité se met à nouveau au service de mon tabagisme…
Je continue mon bonhomme de chemin en m’investissant toujours à fond dans l’association, ce qui me permet de m’accomplir en partie et de cogiter sur un rebond professionnel qui me fait envie.
Et en cette belle journée du 30 septembre, j’attrape donc ma Luxe II avec mon NRGS pour me focaliser dessus et cesser cette fois ma relation toxique sans faillir.
Mon arôme tabac agrémenté d’un trait de citron pour le peps en 3 mg va devoir maintenant pleinement me combler.
Nîmes le 30 novembre 2021 :
Aujourd’hui je me donne toutes les cartes en mains pour ne pas retomber dans les travers de la fumeuse.
Deux box luxe II avec NRGS et deux Target 80 avec SKRS me permettent d’alterner les classics aromatisés et les gourmands légers pour des eliquides point saturer. Bien qu’encore un peu feignasse, je me tâte pour retourner au
reconstructible.
Je continue à me ressourcer pour très bientôt démarrer une reconversion pro qui correspondra totalement à mes envies et à l’être que je suis.
J’espère ardemment ne jamais rechuter mais j’ai la sensation que l’ancienne fumeuse toujours je resterai, car la cigarette est pour moi un obstacle sur lequel j’ai l’impression que je risquerai encore de buter.
J’espère que cette petite histoire vous aura distrait, et peut-être inspiré ou conforté pour ne jamais quitter ce petit nouveau monde, aux poumons nettoyés.
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