Pascal, 59 ans, Toulouse (31)
Toulouse le 26 mars 2019 14h :
Je suis au boulot et je m’apprête à replonger définitivement dans les vapeurs salvatrices de la vapote après une discussion intense avec mon collègue Daniel…
Mais comment en suis-je arrivé là ?
Ma rencontre avec la tueuse se fait en cinquième sur le chemin du collège par un matin comme les autres.
Sur le sol, un paquet de cigarette sans marque, avec seulement un avion dessiné dessus. Je suis intrigué et tenté à la fois. Je ne me doute pas que je m’apprête à partir pour un voyage vers l’enfer…
Je prends une cigarette, je l’allume et je la fume en entier comme un vétéran malgré la sensation horrible de vielle paille brûlée.
Enivré par cette première expérience pourtant peu engageante, je vais dès le lendemain acheter mon premier paquet de Kent pour la modique somme de cinq francs.
J’apprécie beaucoup plus les saveurs et surtout le genre que ça me donne.
Il y a quarante cinq ans, la cigarette en impose (même si pour le moment, je la soustrais au regard de mes parents…). Je vais vite trouver mon rythme de croisière avec mes 7 à 8 tiges par jour pour mes trajets ou mes loisirs empreints d’une nouvelle virilité.
Un an après, fort de ma nouvelle habitude, je passe à la pipe. Et comme un vieux loup de mer, j’enflamme de l’Amsterdamer. Perfectionniste et tel un agent secret, je cache la pochette de tout mon attirail (pipe, tabac, cure-pipe et allumettes) avec le compteur d’eau de la maison.
L’expérience tourne court, mes poumons et ma gorge me hurlant trop souvent que ce style n’est pas compatible avec mon corps.
Les Camels, seront mes clopes suivantes jusqu’au lycée. C’est l’internat, je passe aux roulées pour alléger mon porte monnaies. Et comme le couloir est long, je peux m’en griller une à l’aller et une au retour de mes coups de fils rituels à mon foyer. J’en suis à une douzaine par jour, au lycée on pouvait fumer…
J’ai maintenant 17 ans, la musique est ma passion et sa pratique plus intensive va augmenter exponentiellement ma consommation. C’est l’époque du premier groupe, des répets et des premières petites tournées. Ce sera aussi celle des clopes enchainées.
Pendant 20 ans, je fume, je fume, m’arrêtant seulement en jouant et dormant.
Je suis musicien professionnel souvent en tournée et je commence à me lasser de la toux et de l’essoufflement provoqués. C’est aussi la période où l’on restreint les lieux où s’intoxiquer.
Je dois par exemple me coller un patch ou enchainer les pastilles à la nicotine pour supporter nerveusement les parfois longs trajets en avions. Il m’arrive aussi d’aller m’en griller une dans les toilettes en soufflant dans la cuvette et en actionnant sans cesse la chasse pour ne pas déclencher le détecteur de fumée…
Mon amour propre commence à être atteint.
Ma santé et mon intégrité morale m’invitent à m’interroger sur cette dépendance me poussant à 23h à parcourir des dizaines de kilomètres pour acquérir ce paquet tant honnis et désiré à la fois. Une douzaine d’années me seront nécessaires pour décider de commencer à arrêter.
On est en 2011, j’ai complètement changé de métier et je travaille notamment avec Françoise, une chouette collègue aux poumons tout aussi encrassés.
C’est encore les débuts de la cigarette électronique dont les
boutiques de vape poussent comme des champignons, même si avec ce merveilleux matériel aucun risque d’hallucinations. Je passe souvent devant et je leur trouve un côté classe avec un accueil attentif et bienveillant.
Un beau jour, après la n-ième discussion sur nos addictions, je décide de me ruer dans la première boutique venue du centre ville pour me lancer dans cette nouvelle aventure en compagnie de ma collègue motivée.
Je suis accueilli royalement par un quidam à l’écoute qui me rend important. La tête me tourne un peu en voyant tous ces setups mirobolants. Il me remet sur terre en me questionnant.
Après cet entretien fort pertinent, je démarre par une petite machine à tirage serré et batterie intégrée et des
eliquides au goût de tabac (12 mg) devant me rappeler mes chères blondes quittées.
Je prends sa jumelle pour ma chère collègue et je retourne au travail pour commencer à vaper.
Je m’y fais tout de suite et ne quitte plus ma nouvelle amie portée en collier. Pour Françoise c’est de même et elle ne rechutera jamais.
Je me délecte de ma nouvelle liberté sans manque pour mon ancienne maudite compagne totalement quittée. Tout roule dans le meilleur des mondes au souffle, aux gouts, et à la bonne santé retrouvé, jusqu’au satané été 2015 et un voyage fatal en Birmanie.
La grosse boulette, j’oublie le chargeur de mon kit encore si vital…
En Birmanie, la vapote n’est pas encore découverte, je me rabats direct sur leurs cigarettes artisanales tout terrain. C’est horrible, mais ma volonté est restée à quai.
Au retour, je ne l’ai pas retrouvée puisque j’enchaine avec du tabac à rouler pour mes douze tiges quotidiennes. Ma
cigarette électronique prend la poussière dans un tiroir et n’en ressortira plus jamais…
Je retombe dans les travers des toux et de la sensation d’empoisonnement dont je ne sais me dépêtrer pendant trois longues années.
Un jour après une plainte énoncée, Jérôme avec qui je travaillais, me refile sa veille vapote toujours au tirage serré.
Je me remets à la vape en 6 mg avec des eliquides au goût tabac achetés à différentes boutiques sans conseils et en fumant encore cinq cigarettes par jour. J’ai beaucoup moins de plaisir qu’avant. Je suis au bord de tout abandonner.
Heureusement, quelque temps plus tard, mon collègue Daniel est dans mon bureau partageant son enthousiasme débordant de l’arrêt total de la clope et du passage à la vape depuis quatre jours. Tout en me contant son expérience il me regarde plus intensément quand je tire sur mon clearomiseur.
A la fin de son récit, il m’interpelle en me demandant pourquoi je tire sur ma
vape, aussi fort et souvent à la fois. Il me demande aussi si je ne ferais pas mieux de passer sur du tirage direct.
Au vu de mon visage et de mon grognement interloqué, il se lance vaillamment dans une explication parfois vacillante, car venant de connaissances fraichement acquises, mais passionnée sur la différence entre le DL et le MTL, dont je ne saisi pas toutes les nuances…
J’en comprends toutefois que je suis en train de me fourvoyer et que j’ai là une nouvelle chance de me sauver.
Ni une, ni deux, j’accepte de l’accompagner le vendredi suivant dans la boutique dont il est le tout récent client.
Le jour J, me voilà en sa compagnie pour un voyage dans le passé quand j’avais tout arrêté.
Je suis à nouveau devant une personne à l’écoute de mes besoins et de mon individualité. Cet échange fructueux débouche sur l’acquisition d’une Aegis Solo et d’un Melo 4, qui me permettent de lâcher de bien plus beaux nuages avec un hit bien satisfaisant.
Le conseiller / vendeur m’invite à explorer d’autres saveurs, sentant bien que les classics ne m’emballent plus suffisamment. Bien lui en prend car la réglisse que j’emporte me régalera durablement.
Ma vie redevient un long fleuve tranquille peuplé de belle vapeur et sans manque de fichu clope m’emboucanant sans fin.
Au bout de quelques semaines, une nouvelle discussion avec Daniel va déboucher sur une belle découverte : le DIY ! (que mon cher collègue à prononcer « daïl » alors que je m’évertue à lui faire comprendre que cela doit se dire « di aïl ouaïl », en bon érudit que je suis d’après lui. Mais, bon, il me rétorque chaque fois que c’est comme cela que l’on dit dans le milieu. Et que c’est donc la loi d’usage qui prévaut. Mouais…).
J’adhère néanmoins, à la fois aux nouvelles fragrances à ma portée autant qu’aux nombreuses économies supplémentaires à réaliser.
Je me sens de plus en plus consolidé dans mon arrêt total et définitif.
Ce sera ma période Funky !
Certes, j’ai commis de petites incartades (seulement une petite clope le soir) quand j’ai rencontré ma douce par un beau jour de novembre de la même année, mais cela n’a pas duré. C’était histoire de l’accompagner avant de pouvoir l’aider à noël dernier.
Il y a eu aussi un gros accroc pour notre premier week-end prolongé à Cadaqués au printemps 2020, où ayant laissé chuter ma box, j’ai vu son tank se briser. S’en sont suivis trois jours de tabagisme excessif où j’ai enchainé les clopes à m’écœurer (à la fois par réflexe de vapoteur et aussi pour m’en débarrasser ?).
Mais de retour dans mes pénates, je file au shop où j’achète vite fait deux nouveaux pyrex pour ne plus me paumer.
Cette fois c’est fini, adieu même la fumée de l’unique en soirée.
A noël dernier, j’ai offert à ma chérie une
Gen Nano et un Melo 4. Elle garde encore ses quatre ou cinq clopes par jour, mais je ne doute pas qu’un jour elle arrive aussi à couper pour toujours.
Toulouse le 3 septembre 2021 15h :
Je suis à présent comblé car, par la vapote, libéré, je n’ai plus du tout envie de la perfide tueuse.
J’ai changé de box il y a deux mois car, après deux ans et demi, elle était bien fatiguée. J’ai repris la même pour ne pas changer ce duo gagnant si brillant.
Je vais quand même ré augmenter un peu ma nico (à 3 mg je me réveille la nuit pour vaper… Et oui, le combat est constant et la chute encore possible). Et je vais m’équiper d’accus supplémentaires histoire de gagner encore en tranquillité.
J’espère que cette petite histoire vous aura distrait, et peut-être inspiré ou conforté pour ne jamais quitter ce petit nouveau monde, aux poumons nettoyés.
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