Comme nous vous le disions dans un article il y a quelques jours le Japon semble être un exemple à suivre en matière de politique de lutte contre la combustion, grâce à l’usage d’alternatives non combustibles et notamment le tabac chauffé (HTP : Heated Tobacco Products/Produits du Tabac Chauffés).
Cet exemple de réussite a-t-il convaincu Big Tobacco de changer de politique et de philosophie, et de réellement devenir un acteur majeur de la lutte anti combustion pour le bien des actuels et potentiels futurs fumeurs ?
C’est ce que pourrait laisser penser une déclaration de Jacek Olczak, le PDG de Philip Morris (qui détient notamment la marque Marlboro), dans une interview donnée vendredi 07 mai 2021 au journal The Nikkei (un quotidien économique japonais). Il a ainsi déclaré « Nous (Philip Morris) ferons du Japon une société sans tabac d’ici 10 ans ».
La compagnie avait déjà déclaré en 2016 vouloir à long terme arrêter de vendre des cigarettes pour les remplacer par des alternatives moins nocives. Plus récemment, dans le cadre d’une
enquête qu’elle a commandée et qui s’est déroulée fin 2020, et comme nous nous en faisions l’écho dans le JDV en mars, elle a précisé qu’elle pensait pouvoir y parvenir d’ici 10 ou 15 ans. Elle se fait cette fois encore plus précise et a donc choisi le Japon pour le prouver.
Une analyse un peu plus approfondie laisse apparaître une intention peut-être un peu moins louable.
Car les dirigeants de Big Tobacco, dont Philip Morris est un des plus importants représentants, ont sans doute beaucoup de défauts mais on ne peut nier qu’ils ont un sens aigu des affaires.
Et ils ont bien compris que dans les pays riches, dont le Japon fait partie, il y a une forte aspiration au bien-être, à la qualité de vie et à l’allongement de la durée de vie en bonne santé. Or la combustion n’entre clairement pas dans ce cadre et d’ailleurs plus aucune étude scientifique indépendante et sérieuse ne prétend aujourd’hui le contraire.
Il est donc crucial pour une société comme Philip Morris de trouver rapidement des relais de croissance pour maintenir ses résultats financiers et contenter ses actionnaires.
Et la société compte sur son système IQOS de tabac chauffé pour y parvenir et semble vouloir faire du Japon un terrain d’expérimentation de sa nouvelle stratégie.
Mais rappelons que le tabac chauffé, même s’il est sensiblement moins nocif que la combustion (voir l’article du JDV cité ci-dessus), reste beaucoup plus nocif que la cigarette électronique, comme l’a montré une
étude de l’Institut Pasteur publiée en 2020.
Or Philip Morris n’est pas présent sur le marché de la cigarette électronique, déjà bien occupé par les marques spécialisées qui ont une légitimité sur ce marché dont ne disposent pas les membres de Big Tobacco.
Rappelons également que le système IQOS, à la différence de la plupart des
cigarettes électroniques, est un système propriétaire : si vous achetez le matériel, il vous faudra acheter vos consommables chez Philip Morris...
Par conséquent la tentation est grande pour cette société de damer le pion à la e-cigarette classique afin de s’assurer d’importantes rentrées financières, quitte à proposer un produit bien moins sain que ne l’est la
vape.
Faire du Japon une société sans combustion ne signifie donc pas faire du Japon un pays sans tabac, mais peut-être plutôt faire du Japon l’exemple de ce que pourrait être un relais de croissance pour les cigarettiers...
Peut-être faisons-nous là un procès d’intention à cette société. L’avenir nous le dira. Mais ce que le passé nous enseigne, c’est que Philip Morris comme ses homologues ont rarement hésité à faire preuve de cynisme et de malhonnêteté à grande échelle pour vendre du tabac, au mépris de la santé des populations, comme l’a rappelé le Monde dans un article de 2012 (accessible ici :
Les conspirateurs du tabac).
Alors regardons l’exemple japonais avec attention et vigilance afin de voir quelles sont réellement les intentions de Philip Morris...