Pour les précurseurs de la
cigarette électronique au cannabidiol (CBD), c’est sans doute la fin d’un long combat judiciaire. En décembre 2014, Sébatien Béguerie, entrepreneur marseillais annonçait la commercialisation prochaine d’un nouveau produit contenant du CBD, une molécule extraite de la plante de chanvre. Un produit présenté comme étant « 100 % légal » puisqu’il respectait le taux maximal de 0,2 % de tétrahydrocannabinol (THC) autorisé par la règlementation actuelle. Et pourtant, dès l’annonce de la commercialisation du produit, Marisol Touraine, alors Ministre de la Santé, avait prononcé l’interdiction du produit avant même sa mise sur le marché.
Six ans de procédure
Une décision administrative qui a ouvert une longue période d’incertitude. Après une enquête diligentée, le concepteur de « Kanavape » ainsi que son associé furent condamnés par le Tribunal Correctionnel de Marseille à dix-huit et quinze mois de prisons avec sursis et 10 000 euros d’amende pour avoir enfreint la règlementation sur le commerce des plantes vénéneuse (infraction sanctionnée par l’article L. 5432-1-I du Code de la Santé Publique).
Se reposant sur une interprétation stricte d’un arrêté du 22 août 1990, le Tribunal en était arrivé à la conclusion que l’intoduction dans la cigarette « du produit des feuilles, bractées, ou fleurs suffisait à rendre illicite l’utilisation de la plante de cannabis à des fins industrielles ou commerciales ». Ce jugement avait été rendu alors même que, selon l’enquête menée par l’Agence nationale de sécurité et du médicament, le produit vendu ne comportait pas un taux de THC supérieur au seuil légal de 0,2 %.
Une solution française contraire au droit de l’Union Européenne
A la surprise générale, la Cour d’Appel d’Aix en Provence avait décidé de renvoyer l’affaire devant la Cour de Justice de l’Union Européenne. En effet, les produits contenus dans la
cigarette étaient importés au sein de l’Union Européenne (de la République Tchèque). Or, compte tenu du fait que les produits en cause ne dépassaient pas le seuil légal de THC, les juges d’appel ont posé à la Cour de Justice la question de savoir si il n’existait pas dans le droit français une atteinte illégale au principe de circulation des biens et des marchandises.
L’avocat général auprès de la CJUE avait émis des réquisitions allant dans le sens de l’argumentation des prévenus. Dans son arrêt rendu le 19 novembre, la CJUE vient de rendre une décision qui remet totalement en cause la position des autorités françaises.
Que dit la Cour dans son arrêt ? Tout d’abord, les juges européens rappellent qu’en vertu de l’article 34 du Traité de fonctionnement de l’Union Européenne, les Etats ne peuvent fixer des restrictions d’importations au sein de l’Union (conformément au principe de liberté de circulation des biens et des personnes). En revanche, par exception, l’article 36 autorise aux Etats de proposer des restrictions en cas de motif d’ordre ou de santé publique.
C’est précisément sur ce point que le juge vient contrer le raisonnement des autorités françaises.
Suivant les réquisitions de l’avocat général, le juge a estimé que le
CBD ne pouvait être qualifié de « drogue », étant entendu que ni la convention des Nations unies sur les stupéfiants, conclue à New York le 30 mars 1961, ni l’OMS, ne considèrent le produit comme tel. Par conséquent, les restrictions à l’importation constituent une violation du principe de libre circulation des marchandises au sein du marché.
L’importation est possible, mais la production reste interdite
Quel impact de cette décision en France ? L’arrêt rendu par la CJUE ne signifie pas que les entreprises françaises pourront produire directement en France du CBD. En revanche, la règlementation française ne pourra plus empêcher son importation sur le territoire national.
Une situation qui risque toutefois d’inciter le gouvernement à modifier la législation et la règlementation sur la question de la production en France de CBD. Un arrêt qui tombe à pic à un moment où les autorités sanitaires s’engagent dans une nouvelle expérimentation du cannabis à visée thérapeutique.
Source : Journal international de médecine