Le mouvement global de désinvestissement de la filière du tabac, initié en 2016 par Axa, connaît actuellement une véritable accélération, analysée dans un article du Monde daté du 10 mars.
Le dernier en date : le gestionnaire d’actifs néerlandais Robeco a annoncé ce mercredi 7 mars l’abandon de ses investissements dans le tabac.
En quelques mois, l’effet domino a gagné des groupes européens comme l’assureur britannique Aviva ou la banque néerlandaise ABN Amro en juin 2017, et touche désormais les grands noms de la finance française : le fonds de réserve des retraites (FRR) en décembre 2016, le réassureur Scor en mai 2017, la banque Natixis en décembre ou encore le régime de retraite complémentaire Ircantec en janvier 2018.
Mais le plus grand bouleversement vient de la décision de BNP Paribas de mettre un terme à son tour à ses activités de financement (et d’investissement) des entreprises du tabac. « Nous sommes la plus grosse banque, à l’échelle internationale, à arrêter de financer le tabac, souligne Laurence Pessez, la directrice Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) du groupe. Nous considérons que l’industrie du tabac détruit plus de valeur qu’elle n’en produit, notamment en raison des frais de santé et de prise en charge médicale qui sont externalisés. »
Mais pourquoi ? BNP Paribas évoque de son côté deux catalyseurs. En mai 2017, l’agence d’analyse des entreprises sur des critères environnementaux et sociaux Vigeo Eiris, dirigée par Nicole Notat, a exclu de ses indices « responsables » les entreprises du tabac. Puis, en septembre, les producteurs de tabac ont été exclus du Pacte mondial des Nations unies. « Cette décision nous conduit à arrêter de travailler avec des clients de longue date. C’est une décision ultime, qu’on ne prend jamais de gaieté de cœur », reconnaît Laurence Pessez.
Un banquier français affirme toutefois que des fonds, qui financent les banques, « exercent des pressions ». « Ils nous disent : ce serait bien que vous ne financiez pas le
tabac, avance-t-il. Mais il faut faire attention au bal des faux-culs : certains établissements disent exclure le tabac et continuent de financer les débits de tabac. »
Selon l’ONG Tobacco Free Portfolios, qui incite les acteurs de la finance à se détourner de l’industrie du tabac et répertorie ceux qui y renoncent, 12 milliards de dollars (9,7 milliards d’euros) ont été désinvestis du secteur au cours des cinq dernières années.
« Nous ne sommes pas inquiets », réplique Éric Sensi-Minautier, directeur pour l’Europe de l’Ouest des affaires publiques, juridiques et de la communication chez British American Tobacco. « Mais c’est décevant, car nous sommes une industrie qui vit une révolution. Nous investissons beaucoup dans la réduction de risques, nous avons la possibilité d’avoir un impact positif sur la santé publique avec ces produits de nouvelle génération. »
« Nous prévoyons qu’à fin 2019, ces produits alternatifs représenteront 1 milliard de dollars de notre chiffre d’affaires, qui s’est élevé à 20 milliards de livres sterling [22,4 milliards d’euros] en 2017. Le basculement est significatif, plaide encore M. Sensi-Minautier. Ces décisions des investisseurs arrivent donc à contretemps. »
Source : Le monde du tabac