Tabacs « dits à moindre risque »
Pour le Pr Dautzenberg, l’opération est une tentative de normaliser les nouveaux produits inventés par les cigarettiers, le tabac chauffé, sans combustion, pour surfer sur le succès de la vape, des
cigarettes électroniques. Ces produits, Ploom de Japan Tobacco, Iqos de Philip Morris ou Glo de BAT, sont des dispositifs hybrides entre la cigarette et la vapoteuse. Ils fonctionnent avec des recharges contenant du tabac et une résistance électrique qui permet de le chauffer et de produire des vapeurs. Ils sont présentés comme bien moins nocifs que la cigarette par les industriels, sans les produits les plus toxiques issus de la combustion (goudrons, monoxyde de carbone...). Ces dispositifs et leurs recharges remportent un grand succès au Japon, où la publicité sur le tabac est encore autorisée. Le phénomène n’a rien à voir en Europe, où ils tombent sous le coup de l’interdiction de la publicité des produits du tabac. D’où la volonté des industriels de les présenter comme des dispositifs qui peuvent aider les fumeurs à arrêter de fumer. Ils pourraient ainsi en faire la promotion sans restriction.
« Les industriels nous jurent que ce tabac chauffé est moins toxique que la cigarette, mais ce n’est pas prouvé du tout, et il doit bien y avoir un peu de combustion quand même puisqu’on retrouve des traces de monoxyde de carbone dans les vapeurs, remarque le Pr Dautzenberg. Aujourd’hui, le tabac tue un de ses fidèles consommateurs sur deux. Même si les tabacs " dits à moindre risque " n’en tuent qu’un sur trois ou un sur dix, voire un sur cent, cela reste inacceptable. »
Le pneumologue rappelle qu’une même logique de « santé publique » avait été mise en avant il y a plus de cinquante ans lors de la mise sur le marché des premières
cigarettes avec filtre, présentées comme bien moins irritantes pour la gorge par des milliers de médecins américains. Une réalité qui cachait un risque toujours important : « du fait de cette moindre irritation de la gorge, la fumée était inhalée plus profondément dans les poumons, faisant exploser le risque d’emphysème et de cancer de type adénocarcinome, tout aussi dangereux que les cancers des grosses bronches », explique-t-il.
Philip Morris veut miner le traité antitabac de l’OMS
Le cigarettier américain Philip Morris International fait secrètement campagne pour miner l’accord international de lutte contre le
tabac de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), montrent des documents internes au groupe vus par Reuters. Dans des courriels internes, des cadres dirigeants de Philip Morris s’attribuent le mérite d’avoir affaibli certaines mesures de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (FCTC), signée en 2003 et dont les 168 parties signataires se réunissent tous les deux ans.
Le traité FCTC a incité des dizaines d’États à augmenter les taxes sur le tabac, à adopter des lois interdisant de fumer dans les espaces publics et à durcir les messages d’avertissement. L’un des objectifs de Philip Morris a été d’augmenter la présence de délégués non liés aux agences de santé aux réunions biennales de la FCTC. Un objectif atteint, car les délégations comprennent aujourd’hui davantage de représentants de ministères liés aux impôts, à la finance et à l’agriculture susceptibles d’insister sur les revenus de l’industrie du tabac plutôt que sur ses méfaits.
Source : Le Figaro